Français,
Je suis au milieu de vous. Vous m’avez ouvert les portes de la France et je n’ai pas pu me refuser le bonheur de revoir ma patrie.Mais je ne veux pas donner, par une présence prolongée, de nouveaux prétextes à l’agitation des esprits si troublés en ce moment. Je quitte donc Chambord que vous m’avez donné et dont j’ai porté le nom avec fierté depuis quarante ans, sur les chemins de l’exil. En m’en éloignant, je tiens à vous le dire, je ne me sépare pas de vous, la France sait que je lui appartiens. Je ne puis décliner que le droit monarchique est le patrimoine de la nation, ni décliner les devoirs qu’il impose envers elle. Ces devoirs, je les remplirai, croyez-en ma parole d’honnête homme et de Roi. Dieu aidant, nous fonderons ensemble et quand vous le voudrez, sur les larges assises de la décentralisation administrative et des franchises locales, un gouvernement conforme aux besoins réels du pays. Nous donnerons pour garanties à ces libertés publiques auxquelles tout peuple chrétien a droit, le suffrage universel, honnêtement pratiqué, et le contrôle des deux chambres, et nous reprendrons en lui restituant son caractère véritable, le mouvement national de la fin du dernier siècle. Une minorité révoltée contre les vœux du pays en a fait le point de départ d’une période de démoralisation par le mensonge et de désorganisation par la violence. Ses criminels attentats ont imposé la révolution à un pays qui ne demandait que des réformes et l’ont dès lors poussé vers l’abîme où hier elle eut péri, sans l’héroïque effort de notre armée. Ce sont les classes laborieuses, ces ouvriers des champs et des villes, dont le sort a fait l’objet de mes plus vives préoccupations et de mes plus chères études, qui ont le plus souffert de ce désordre social. Mais la France, cruellement désabusée par des désastres sans exemples, comprendra qu’on ne revient pas à la vérité en changeant d’erreur, qu’on n’échappe pas par des expédients à des nécessités éternelles. Elle m’appellera et je viendrai à elle tout entier, avec mon dévouement, mon principe et mon drapeau. A l’occasion de ce drapeau, on m’a imposé des conditions que je ne doit pas subir. FRANCAIS! Je suis prêt à tout pour aider mon pays à se relever de ses ruines et à reprendre son rang dans le monde. Le seul sacrifice que je ne puisse lui faire est celui de mon honneur. Je suis et je veux être de mon temps, je rends un sincère hommage à toutes ses grandeurs, et quelle que fut la couleur du drapeau sous lequel marchaient nos soldats, j’ai admiré leur héroïsme, et rendu grâce à Dieu de tout ce que leur bravoure ajoutait aux trésor des gloires de la France. Entre vous et moi, il ne doit subsister ni malentendu, ni arrière-pensée. Non, je ne laisserai pas, parce que l’ignorance ou la crédulité auront parlé de privilèges, d’absolutisme, ou d’intolérance, que sais-je encore? de dîme, de droits féodaux fantômes, que la plus audacieuse mauvaise foi essaie de ressusciter à vos yeux, je ne laisserai pas arracher de mes mains l’étendard d’Henri IV, de François 1er et de Jeanne d’Arc. C’est avec lui que vos pères, conduits par les miens, ont conquis cette Alsace et cette Lorraine dont la fidélité sera la consolation dans nos malheurs. Il a vaincu la barbarie sur cette terre d’Afrique, témoin des premiers faits d’armes des princes de ma famille. C’est lui qui vaincra la barbarie nouvelle dont le monde est menacé. Je le confierai sans crainte à la vigilance de notre armée : il n’a jamais suivi, elle le sait, que les chemins de l’honneur. Je l’ai reçu comme un dépôt sacré du vieux Roi mon aïeul, mourant en exil. Il a toujours été pour moi inséparable du souvenir de la patrie absente, il a flotté sur mon berceau et je veux qu’il ombrage ma tombe. Dans les plis glorieux de cet étendard sans tache, je vous apporterai l’Ordre et la Liberté. Henri V ne peut abandonner le drapeau blanc d’Henri IV. Chambord, 5 Juillet 1871 Henri.
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